Un conte indien qui parle de l'ego-spirituel... vous savez : le faux-ego qui, quand une âme est attirée par la spiritualité, se fait passer pour un mystique afin de pousser son hôte sur de fausses pistes où règne la vanité en robe safran.

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Kumar Tandraya
Un homme féru de spiritualité, exégète des saintes écritures et de l'histoire des religions, se disant humble chercheur, marchait sur le chemin de terre reliant Nagod à Satna, dans une direction, et Satna à Nagod dans l'autre.
Cet homme se nommait Kumar Tandraya. Il portait la vêture des brahmanes, faite du dhoti traditionnel, sorte de pantalon d'une seule pièce de tissus blanc sans couture, enroulé autour de sa taille et d'une tunique sans col, blanche, elle aussi.
Un collier des fruits de Vishnou autour du cou et un tilak tracé sur le front, entre les deux sourcils finissaient de lui donner une allure altière -au moins- propre à lui attirer le respect des gens de castes moins privilégiées.
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Kumar Tandraya parlait couramment l'hindhi, le tamoul et l'Anglais, et lisait le Sanskrit dans le texte. Il connaissait par cœur -ou presque- les Védas, le Mahâbhârata, le Ràmàyana, les Upanishad et la Bhagavad-Gîtà.
Vishnou
Notre personnage allait d'un pas noble, aidé par un bâton sculpté en forme de cobra, dont la tête servait de pommeau. Il allait au temple de Satna, dédié à Krishna, pour y célébrer l'Aarti*, à la tombée de la nuit à venir. Sa main, automatiquement, égrainait les perles d'un chapelet à prières, le màlà*, dont les cent huit grains de rudraksha devaient garder son esprit en dévotion.
*Aarti : chant dévotionnel, chanté devant une flamme.
* Màla : Chapelet de prière ou de récitation de mantra.
En fait notre homme pensait au prashad* qu'il aura plaisir de goûter à l'issue de la célébration du soir et aux attentions dont il sera l'objet de la part des croyants assemblés. L'après-midi finissait d'annoncer le commencement du soir à grands coups de lumières obliques et du parfum patchouli, venu de la terre d'un champ voisin labouré fraîchement.
* Prashad : nourriture consacrée.
Au détour du chemin, Kumar Tandraya aperçut un figuier-des-banians dans un pré voisin. C'est sous un arbre pareil à sri Gautama avait connu l'éveil. Notre brahmane, voyant une silhouette au pied de l'arbre, s'approcha.
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Là se tenait Vishnou en personne, venu en ce monde sous l'Avatar de Kalkî et qui attendait, à l'ombre du grand arbre, que l'on vienne à lui. Il avait l'apparence banale d'un vaishya, caste des artisans, agriculteurs et commerçants.
Il se tenait sous un parasol, malgré l'abri du feuillage. Trois bracelets entouraient son poignet, des boucles, représentant Makara, étaient accrochées à ses oreilles et un cordon de trois brins tenait sa tunique serrée à la taille. Il se servait d'un grand chasse-mouche et, à côté de lui, se tenait un grand oiseau à l'air sévère de l'aigle et à la splendeur du paon.
Où le Nectar est proposé
Cette apparition fit grande impression au brahmane qui, malgré son érudition, ne reconnut pas Vishnou tant il ne s'attendait pas à le croiser autrement qu'en sculpture ou en peinture... il s'approcha enfin et s'adressa à lui en ces termes : " Namasté, je suis Kumar Tandraya..." Vishnou lui répondit : " Namasté Kumar Tandraya, je suis Kalkî. "
Ce nom ne fit pas plus tiquer notre ''héros'' que le parasol, les bracelets, les boucles d'oreilles, la ceinture faite de trois brins, le chasse mouche ou l'oiseau se tenant à ses côtés. Quelque chose devait poser un voile devant ses yeux pour l'empêcher de voir. Kumar demanda à Vishnou : " As-tu de l'eau à me donner ; celle de ma gourde est devenue chaude ". Vishnou lui dit : " Non, mais je puis te donner à boire le Nectar d'une source qui étanchera ta soif pour toujours. "
-"Et quel est ce Nectar dont tu parles ?"
-"Ce Nectar est en toi et c'est là qu'il coule. Il te faut aller à sa source et te mettre à genoux pour y boire".
Qui es-tu ?
-" Qui es-tu donc pour me proposer un tel breuvage ? Te prends-tu pour un Dieu ? "
-" Je sais qui je suis et ce n'est pas au porteur du Nectar de dire son nom. Que celui qui a des yeux pour voir reconnaisse qui je suis ".
Kumar Tandraya se moquant de Vishnou lui dit : " Tu parles comme un livre, or tous les livres ont déjà été écrits. Je les ai tous lus et les connais par cœur… Te prends-tu pour une lumière éclairant le monde ? "
Où la Lumière est proposée
-"Je puis aussi te montrer une lumière qui chasse les ténèbres de l'ignorance", lui dit Vishnou. Vexé l'érudit lui rétorqua : " L'ignorance n'est pas mon domaine, vaishya*, sais-tu à qui tu parles ? Je suis un brahmane et la connaissance est mon domaine. Cette lumière et ce Nectar je les sais, les connais : ils éclairent mon esprit et abreuvent mon âme à chaque lecture des textes saints et à chaque récitation des noms sacrés ".
* Vaishya : caste d'artisans, commerçants, agriculteurs et bergers.
Où le Satnam est proposé
Vishnou lui dit encore : " J'ai le Satnam à te faire écouter, qui se prononce seul et qui peut t’amener à la moksha si tu veux bien l'écouter dans le plus grand silence ".
-" Comment ? Vaniteux qui écoute l'ahamkàra qui le plonge dans la Màyà ! Je ne t'écoute plus voyant à quel fou vaniteux, j'ai à faire ! Je retourne à la vérité des livres sacrés que j'ai posés sur l'autel du temple ! "
Vishnou dit alors : " J'ai aussi un livre sacré que personne n'a encore lu et puis te le donner : tu y trouveras du satsang propre à te faire désirer la dévotion et la Grâce ".
-" Merci vieux fou, j'ai tous les livres qu'il me faut je te dis et les ai tous lus. Cesse de m'importuner, je continue mon chemin et te laisse à tes illusions de vanité. Que Shiva t'éclaire. "
-" Tu ne crois donc pas ce que je te dis ? Lui demanda Vishnou. Pourquoi ? "
Tu ne ressembles
ni à Krishna ni à Ràma.
-" Parce que si tu disais vrai tu serais un Avatar et tu ne ressembles pas à Krishna ni à Ràma ! "
-" Et si j'étais un poisson, une tortue ou un sanglier me croirais-tu ? "
-" Les bêtes ne parlent pas. Sur ce, je te quitte. "
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Et, notre prêtre s'en alla sur la route de Satna, laissant Vishnou, sous la forme de Kalkî avec son Nectar, sa lumière et son Saint-Nom... la tête trop pleine du brahmane ne pouvait plus rien contenir. Il eut fallu qu'il accepta d'en vider le contenu afin d'être à même de l'emplir de ce que Kalkî avait à lui donner. Mais il avait mis tant de temps et eu tant de peines à apprendre tout ce qu'il savait, qu'il ne pouvait tout abandonner pour ce qu'il ne connaissait pas, perpétuant ainsi la religion qu'il servait. Les hommes font de cette façon depuis plus de huit mille Ans.
Vishnou reprit sa contemplation en attendant que vienne à lui celui, ou celle, qui aurait vraiment soif et ne saurait rien.
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